Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16 janvier 2011

FN: "marinistes" et "gollnischiens", le rapport de force

Le rapport de force au sein du FN (décomptes personnels pour le comité central et le bureau politique):

 

iPolitique.fr

 

iPolitique.fr

(conformément aux statuts du FN, Marine Le Pen a par ailleurs coopté vingt membres, dont dix candidats non élus de la liste de "marinistes")

 

iPolitique.fr

 

(je renonce à publier la liste des noms par ras-le-bol d'être pillé par Wikipédia sans être sourcé)

D'un Le Pen l'autre

Pour succéder à son père, les adhérents ont sans surprise élu Marine Le Pen à la présidence du Front national

 

En élisant Marine Le Pen par 67,65% contre 32,35% à Bruno Gollnisch, les adhérents du FN ont préféré la filiation biologique à la filiation idéologique. La nouvelle présidente du FN est en effet la cadette des trois filles de Jean-Marie Le Pen et de sa première épouse, Pierrette Lalanne. Dès l'âge de huit ans Marine Le Pen a été marquée par l'engagement politique de son père. Dans la nuit du 1er novembre 1976, une explosion criminelle (dont les auteurs resteront inconnus) fait s'effondrer l'immeuble de cinq étages où la famille demeure, villa Poirier dans le XVe arrondissement de Paris. Aucune victime n'est à déplorer, mais les enfants du président du FN - Marie-Caroline (née en 1960), Yann (née en 1963) et Marine (née en 1968) - sont bien entendu traumatisées par cet attentat.

La politique n'en aura pas fini d'interférer dans la sphère familiale de Marine Le Pen. En 1987, le divorce de ses parents est porté sur la place publique : sa mère pose nue dans le magazine Play-Boy et adhère un temps à un groupuscule dissident du FN. Nouvelle rupture au sein de la famille en 1998-1999 : sa sœur Marie-Caroline soutient avec son mari Philippe Olivier le "pu-putsch" de Bruno Mégret. Le couple quittera toutefois dès l'année suivante le MNR mégrétiste et, sans retourner officiellement au FN, appartiennent actuellement à l'entourage politique de Marine Le Pen.

Les filles de Jean-Marie Le Pen se sont engagés très jeunes en politique. La première campagne de Marine remonte à mars 1983 - elle n'a que 14 ans - pour soutenir son père aux municipales dans le XXe arrondissement de Paris. Elle-même sera pour la première fois candidate à une élection aux législatives de 1993, à 25 ans. Longtemps, ce n'est cependant pas Marine mais sa sœur aînée Marie-Caroline qui apparaît comme celle qui assurera la relève politique. Candidate dès les cantonales de 1985, Marie-Caroline Le Pen avait été élue au comité central à la 14e place lors du congrès de 1997. Alors que, devenue avocate pénaliste en 1990, ce n'est qu'en 1998 que Marine Le Pen s'investit dans le parti en quittant le barreau de Paris afin de créer et de prendre la direction du service juridique du FN. Cette année-là, elle exerce en outre son premier mandat électif, en tant que conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais.

C'est l'élection présidentielle de 2002 qui va révéler Marine Le Pen au grand public. Au soir du second tour, Jacques Chirac a été réélu face à Jean-Marie Le Pen (17,79% des suffrages exprimés). C'est elle qui est chargée de porter la parole du FN sur les plateaux de France 2 et de France 3. Comme son père le fit en 1984 lors de l'émission L'Heure de Vérité, celle qui avait terminé deuxième au concours d'éloquence du barreau de Paris montre ses talents médiatiques. "C'est papa réincarné", écrivait dès 1986 Jean Bourdier, écrivain et ami personnel de Jean-Marie Le Pen, dans National-Hebdo.

L'ascension de Marine Le Pen au sien du parti ne s'arrêtera plus. Au congrès de Nice, en 2003, elle n'avait été élue qu'à la 34e place. Au congrès de Bordeaux, en 2007, elle grimpe à la deuxième place, juste derrière Bruno Gollnisch. Cette fois, c'est elle la première.

Cette élection à la présidence du FN n'était pourtant pas joué d'avance, malgré le soutien de son père. Car Marine Le Pen n'a pas caché son intention d'être à l'origine d'une "révolution culturelle" au sein du parti d'extrême droite. "J'ai pris des risques pour faire évoluer l'image du parti, confie-t-elle dans le numéro de janvier du magazine Causeur. Avec le nom que je porte, j'aurais pu me couler dans le moule et brosser chacune des chapelles dans le sens du poil." N'hésitant pas, au contraire, à prôner durant la campagne interne une rupture avec "les cathos intégristes, les pétainistes et les obsédés de la Shoah" (sic). Reste à savoir jusqu'où ira cette rupture avec ceux qui constituent une partie des militants et de la clientèle historiques du FN.

Sur le fond, Marine Le Pen reprend l'essentiel des fondamentaux du lepénisme : lien entre immigration, chômage et insécurité; préférence nationale; rétablissement de la peine de mort; suppression de la double nationalité et du droit du sol (au profit du seul droit du sang); indépendance nationale et Europe des patries (à commencer par la sortie de l'euro). Mais, sur plusieurs points, elle a se démarque bel et bien de son père et de Bruno Gollnisch.

Tout d'abord, elle assume pleinement et accentue le tournant "plus étatiste et plus social" du FN, le discours antifiscaliste des années quatre-vingt ayant cédé le pas dans les années quatre-vingt-dix à la dénonciation de la "mondialisation ultralibérale". Elle a d'ailleurs choisi de s'implanter en 2007 dans une commune du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Hénin-Beaumont. Au-delà des classes populaires, Marine Le Pen vise également dans la perspective de la présidentielle de 2012 les classes moyennes, fragilisées par la crise et en proie à une peur de déclassement social.

Ensuite, elle se réclame haut et fort des valeurs républicaines en général et de la laïcité en particulier. Des références aux antipodes de l'extrême droite réactionnaire et contre-révolutionnaire. Son récent parallèle entre l'Occupation allemande de 1940 et l'occupation de rues par des musulmans en prière était sans doute autant destiné à conquérir en interne les faveurs des ultras du FN qu'à draguer, à l'extérieur du parti, les défenseurs de la laïcité.

Enfin, sur la question clef de la définition de l'appartenance à la communauté nationale, où se niche le racisme d'extrême droite, elle semble hésiter. D'un côté, dès 2002 elle présentait la candidature de son père comme celle "débarrassée des spécificités religieuses, ethniques ou même politiques", réaffirmant encore aujourd'hui qu'elle ne possède pas "une vision ethnique de la nation". De l'autre, elle emploie fréquemment l'expression discriminatoire "Français de souche", aux antipodes du principe républicain d'égalité entre de tous les citoyens, distinguant ainsi les Français en fonction de leur origine (pour les démographes de l'Ined, le Français de souche est celui qui n'a pas au moins un de ses grands-parents immigré).

Quoi qu'il en soit, le but de Marine Le Pen (déjà la seule candidate FN à accéder au second tour des législatives de 2007) est de conquérir le pouvoir et non pas de simplement se substituer à son père dans son rôle tribunitien, provocateur et contestataire. De fait, un sondage CSA la crédite de 17 à 18% des intentions de vote (1). Un niveau jamais atteint par Jean-Marie Le Pen.

 

Laurent de Boissieu
La-Croix.com, 14-15 janvier 2011 (résultats officiels ajoutés le 16 janvier)

(1) Réalisé pour Marianne les 7 et 8 janvier 2011 auprès de 1 001 personnes.

15 janvier 2011

Marine Le Pen, nouvelle présidente du Front National

Marine Le Pen aurait obtenu deux tiers des voix face à Bruno Gollnisch (source: Lefigaro.fr)

14 janvier 2011

Marine Le Pen et Bruno Gollnisch, le duel

Marine Le Pen et Bruno Gollnisch, le duel

Laurent de Boissieu
La Croix, 07 janvier 2011

07 janvier 2011

Jean-Marie Le Pen passe le flambeau mais ne quitte pas la vie politique

C'était jeudi la dernière fois que Jean-Marie Le Pen présentait ses vœux à la presse en tant que président du FN. Une fonction qu'il assume depuis la création du parti d'extrême droite en 1972. Mais aucune nostalgie ne se lit sur le visage de celui qui, à 82 ans, chemine vers le buffet en sautillant et en chantonnant Y'a de la joie de Charles Trenet. "Il y aurait de l'outrecuidance à sous-estimer les handicaps de l'âge, même si ceux-ci semblent laisser un répit à celui qui a aujourd'hui l'âge de vos pères et même de vos grands-pères", avance l'intéressé afin d'expliquer pourquoi il a décidé de ne pas se "représenter comme candidat à la présidence de la République et à la présidence du FN".

Tout en ressentant "l'émotion du coureur de relais qui passe le flambeau au coureur suivant", Jean-Marie Le Pen est surtout fier d'avoir "installé le FN dans la pérennité". Se comparant même au "premier étage d'une fusée" avec sa qualification au second tour de l'élection présidentielle: "2002, c'était le premier étage; le second étage, c'est d'atteindre l'objectif, d'être élu."

Reste à savoir qui, de Bruno Gollnisch ou de Marine Le Pen, lui succédera au congrès organisé à Tours (Indre-et-Loire) les 15 et 16 janvier. Une compétition au sein de laquelle le père a nettement marqué sa "préférence familiale" pour sa fille. "J'aurais préféré que Jean-Marie Le Pen conservât une position d'arbitre, regrette ainsi Bruno Gollnisch. Mais il a parfaitement le droit d'exprimer une préférence."

Quoi qu'il en soit, si Jean-Marie Le Pen quitte la présidence du FN, il ne prend pas pour autant sa retraite politique. D'une part, il continuera d'exercer ses mandats au Parlement européen et au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. D'autre part, il sera élu, au congrès, président d'honneur du FN, et donc "membre de droit de toutes les instances".

"Sans empiéter, bien sûr, sur les prérogatives de la nouvelle présidence ni sur celles des organismes statutaires du FN, je pense pouvoir être d'utile conseil", assure-t-il. Interrogé sur la question des 35 heures, Jean-Marie Le Pen a ainsi en préalable mis en avant sa volonté de ne "pas polluer le sujet et anticiper sur la position que prendra le candidat du FN" à la présidentielle de 2012.

Mais l'ombre du commandeur continuera de planer sur son successeur. Quitte à gêner Marine Le Pen – dont Bruno Gollnisch ne conteste pas la candidature à l'Élysée même s'il est élu président du FN – dans sa volonté de se démarquer des racines les plus controversées de l'extrême droite, de la collaboration en 1940 avec l'Allemagne aux attentats de l'OAS pro-Algérie française. Sans renier les fondamentaux du parti (indépendance nationale; lien entre insécurité, chômage et immigration; préférence nationale; différenciation entre "Français de souche" et Français d'origine immigrée), Marine Le Pen a d'ailleurs insisté hier pour établir une "différence" entre le programme du FN et son futur programme présidentiel. Sans doute le moyen pour elle de préparer un élargissement de sa base électorale.

Laurent de Boissieu
La Croix, 07 janvier 2011